" Qui a peur du grand méchant loup ? "
...Ne cherchez aucune intelligence dans cette article, la créativité du rédacteur s'étant barré immédiatement après avoir accouché de ce magnifique jeu de mots qui sert de titre à un article qui, pour le reste, repose sur du vide, du vent, Much Ado About Nothing, comme aurait dit le grand dramaturge britannique.
Il faut en effet bien faire la part entre deux choses :
- l'éthique de l'information, dont la réflexion doit être continue, et ne doit, en effet, pas concerner uniquement les "gens du métier" mais également tous les usagers, ainsi que tout avis extérieur pouvant éclairer cette réflexion permanente,
- et l'affaire que les médias cherchent à monter en épingle, en effrayant le "bon père de famille" (et la "bonne mère de famille" par la même occasion) quant à ses propres données personnelles (voire quant à celles que disperseraient et ventileraient ses adolescent(e)s pré-pubères à tous les vents du web dit "2.0" dont tous les "experts" sur le marché de la jeunesse cherchent à nous faire croire que leur mode de pensée nous serait incompréhensible).
Quelle est donc cette affaire ? c'est celle de la récupération de nos données personnelles à des fins commerciales - ou, en l'occurrence, politiques -, par des gens dont ce serait le métier à plein temps, des gens très peu scrupuleux, donc, dont le job serait de nous analyser et de faire du profiling - non pas de tueurs en série, mais de consommateurs -, d'après les contenus que nous posterions çà et là sur les réseaux sociaux et autres délices de l'Internet du troisième millénaire.
Complotisme ?
L'article de journal commence par ces mots : "Ils agissent dans l'ombre, leur pratique est très lucrative, et leur identité inconnue du public." : voilà les ingrédients essentiels d'un bon gros complot bien terrifiant, n'est-ce pas ? Parlerait-on ici des tristement célèbres illuminatis, d'une loge maçonnique incognito, ou encore de cette sacrée société espagnole sectair... huh, religieuse renommée sous le vocable d'Opus Dei ? Que nenni, mes bons sires : il s'agit d'informaticiens faisant leur job, à savoir, non pas maintenir nos appareils de travail ou de loisir en état de marche, mais bien plutôt, sournoisement, fourbement, perfidement (ou tout autre synonyme de la subrepticité que vous trouveriez effrayant pou vos lecteurs), siphonner des données sur le web !
Il y a tout pour en faire un article bien vendeur : les "citations" d'experts - bien évidemment sortis de leur contexte, et résumés à deux ou trois "punchlines" -, et la petite exergue qui fait peur : "Cette industrie marche tant qu'on ne la perçoit pas"...
La journaliste (quel que soit le rapport entre l'article devant journaliste et le contenu dudit article, il ne me concerne pas, je le signale pour couper court aux attaques anti-féministes stériles) Laure Beaudonnet s'inspire apparemment du style Ségolène Royal : les écrans, les données personnelles, la modernité, l'ouverture au monde, tout çà va vous sembler soudainement plus dangereux après avoir lu l'article en question.
Mais l'article est en sus, rédigé de telle manière qu'on ait l'impression que la menace viendrait d'être découverte !
Mais l'article est en sus, rédigé de telle
manière qu'on ait l'impression que
la menace viendrait d'être découverte !
manière qu'on ait l'impression que
la menace viendrait d'être découverte !
Alors, pour rafraîchir la mémoire des compères, au cas improbable où un internaute s'égarerait sur l'océan du web et viendrait s'échouer sur ce blog, j'aimerais rappeler que :
- Le concept de "Big Data" a été formalisé dès les années 2000 (à ce propos, lire le bouquin qui y est consacré par Pierre Delort dans la Collection Que sais-je ?, des presses universitaires de France, paru en 2015)
- Depuis lors, les milieux des affaires n'ont jamais cessé de se demander comment mettre à profit cette manne de données.
- Les big data sont bien constitués par les contenus que les internautes (les usagers) mettent eux-mêmes en ligne, que ce soit sur les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, Twitter, Instagram) etc.) et les plateformes vidéos (YouTube, etc.) faisant partie des médias sociaux. Leur volume est tellement énorme qu'onparle désormais de mégadonnées.
- Dès 2015 (il y a donc trois ans), Alternatives économiques en parle dans un article signé Thomas Lestavel, Les promesses très commerciales du "big data" (octobre 2015 : https://www.alternatives-economiques.fr/promesses-tres-commerciales-big-data/00010056 ), insistant sur les questions éthiques posées par ce phénomène de "big brother" version 2.0 ! Et quelques mois plus tard, la même revue expose les débouchés professionnels du secteur dans un article de janvier 2016 : https://www.alternatives-economiques.fr/gisement-demplois-big-data/00006096.
- L'année suivante, c'est au tour de la revue Challenges de nous expliquer "Comment les entreprises utilisent le cloud et le big data en France" par la plume de Valérie Xandry avril 2017: https://www.challenges.fr/high-tech/comment-les-entreprises-utilisent-le-cloud-et-le-big-data-en-france_464147.
- Entre 2016 et 2018, la revue Capital, qui n'a même pas attendu l'an dernier pour aborder le sujet, a publié 6 articles en ligne, qui vont des données clients ( https://www.capital.fr/economie-politique/les-donnees-clients-une-mine-d-or-pour-les-distributeurs-1168690 )jusqu'au données des futures recrues de l'entreprise ( https://www.capital.fr/votre-carriere/recrutement-comment-profiter-du-big-data-1201051 ), en passant des joyeusetés aussi exotiques que l'intelligence artificielle exploitant les données de masse ( https://www.capital.fr/entreprises-marches/big-data-et-intelligence-artificielle-profitez-de-cette-revolution-en-bourse-1225427 ), l'habituel appel au secours alarmiste quant au contrôle des données ( https://www.capital.fr/votre-carriere/au-secours-les-algorithmes-controlent-nos-vies-1229290 ), la vente de nos données personnelles à Facebook ( https://www.capital.fr/economie-politique/et-si-demain-vous-vendiez-vos-donnees-personnelles-a-facebook-1268001 ) ou encore des astuces pour éviter de donner nos données aux applications Facebook ( https://www.capital.fr/entreprises-marches/scandale-facebook-comment-empecher-les-applications-dacceder-a-vos-donnees-1278414 )
- Le journal Les Echos n'est pas en reste, puisqu'il proclame officiellement la fin des tabous (sic... ?) ( https://www.lesechos.fr/28/11/2017/LesEchos/22581-027-ECH_la-fin-des-tabous.htm?texte=Big Data ), analyse en quoi les entreprises exploitant les Big Data ont besoin des sciences humaines ( https://www.lesechos.fr/15/03/2018/lesechos.fr/0301441603773_pourquoi-les-entreprises-et-le-big-data-ont-besoin-des-sciences-humaines.htm ), quels sont les impacts du Big Data sur l'entreprise (sic) ( https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-180687-quels-sont-les-impacts-du-big-data-sur-lentreprise-2164241.php ), parle de tout et de n'importe quoi et se contredit en annonçant successivement "des données pour la démocratie" (sic) et "le coup d'Etat du Big Data" (sic derechef), en offrant une critique du fameux livre de Basdevant & Mignard, "L'Empire des Données : essai sur la société, les algorithmes et la loi, publié récemment ( https://www.lesechos.fr/20/10/2017/LesEchos/22555-044-ECH_des-donnees-pour-la-democratie.htm?texte=Big%20Data & https://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/0301744821469-le-coup-detat-du-big-data-2180603.php ) ; tout en abordant le respect des données du consommateur ( beaucoup de blabla pour peu d'effets en pratique, malheureusement, https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-175338-le-respect-des-donnees-du-consommateur-au-dela-de-la-contrainte-legale-2125783.php ), et même un article stratégique sur la cybersécurité au prisme des Big Data ( https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-175444-apprehender-la-cybersecurite-via-le-prisme-du-big-data-2126321.php ).
- Il propose même un article d'analyse en lien avec la revue investir possibles dans les Big Data ( https://investir.lesechos.fr/actions/conseils-avis-experts/le-petit-incontournable-du-big-data-1714576.php )
Avec ce tour d'horizon bref mais détaillé des articles à propos des données de masse dans les revues économiques les plus répandues, je crois inutile de conclure que les clampins de chez 20 minutes qui semble redécouvrir l'eau chaude n'ont guère fait leur travail de veille de l'actualité chez leurs confrères. Déjà en 2008, les données et contenus des réseaux sociaux posaient de sérieux propblèmes de propriété intellectuelle, selon l'éditorial de Xavier Wauthy, chercheur au CEREC (FuSL) et au CORE (UcL), dans le numéro 59 de mai 2008 de Regards Economiques, la revue d'Economie de l'Université Catholique de Louvain en Belgique (No free lucnh sur le web 2.0 : Ce que cache la gratuité apparente des réseaux sociaux numériques).
Alors, il n'est pas question de nier ici les dangers liés aux Big Data, ces dangers sont réels ! Mais bon sang, faire semblant de découvrir tout-à-coup quelque chose en le présentant comme une tendance toute nouvelle, alors que cela fait 15 ans que les entreprises cherchent comment exploiter la mine des Data (à insérer ici : quelques rires préenregistrés pour le jeu de mots idiot sur le data mining !), je pense qu'il y a de quoi s'inquiéter, si, effectivement, les journalistes eux-mêmes ne sont pas fichus de se tenir au courant, et qu'ils tentent de nous resservir avec un titre racoleur et présenté comme une "découverte soudaine", quelque chose dont tout le monde savait pertinemment que çà couvait depuis deux décennies, et cela, dans le but évident de pouvoir attirer quelques lecteurs de plus, avec une une (à insérer ici : une blagounette idiote sur la redondance de la une !) délibérément publicitaire et un article médiocre qui ne cassera pas la troisième patte du canard (à insérer ici : d'autres rires préenregistrés pour la blague stupide sur le canard, huh, je veux dire, le journal !).
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